Le 22 mai 1912, lors d’une excursion, les membres de la société historique de Compiègne font étape à l’église de Saint-Léger-aux-bois.
Récit (pages 91 et 92) :
« L’atmosphère, rafraîchie par l’ouragan de Mardi, est reposée et reposante et l’on roule sur des routes sans poussière, avantage appréciable à notre époque d’automobiles… Voici donc Choisy (Jadis au Bac), Le Puits d’Orléans (de podium, pied, et non de puleus) et Saint-Léger-aux-Bois (Sanctus Leodegarius in bosco).
A l’église de Saint-Léger-aux-Bois, nous descendons devant un vieux pignon de façade roman.
Faut-il redire une fois encore ce que le vieux Graves a jadis décrit et ce qu’ont répété depuis tous les les guides et annuaires, ou même notre volume d’Excursions.
Un monastère y fut fondé en 1083, par Gérauld, avec l’aide d’Herloy, frère d’Yves de Thourotte, châtelain de Noyon, de Guy (de Laon) et d’autres moines du Vermandois. Une bulle de Célestin III, de 1190, confirme l’abbaye dans toutes ses possessions. L’abbé de Sauve-Majeure (Salva majore, pour Sylva major ?) construisit une église dont les travaux furent encouragés par Louis VII le Gros.
La porte (portail en plein cintre) est surmontée d’une fenêtre dont l’archivolte est entourée de billettes. La corniche extérieure, sous bord de la toiture, ornée d’une bande ondulée (ornement roman plutôt rare dans notre région).
A l’intérieur : l’abside du chœur et les deux absidioles des côtés, toutes trois en cul de four; puis les gros piliers carrés et chapiteaux romans.
Le curé du lieu, Brestois d’origine, de type bien distinct des gens du pays, quelque peu zouave en soutane, en sa qualité d’ancien père blanc de Carthage, à l’œil perçant, vif et bleu, semble un peu dépaysé en nos régions d’indifférence; il souligne surtout le contraste trop sensible qu’il éprouve entre la chaude Tunisie qu’il a quittée et nos si humides communes forestières. Son église (j’allais dire son refrigidarium), en effet, nous offre un déplorable et remarquable échantillon d’humidité monumentale.
Le carrelage est couvert d’une épaisse verdure. Même, au midi, sur un vieux gros pilier de bas-côté, s’épanouit une énorme tranche visqueuse et gélatineuse, sorte de couenne végétale. Ce n’est ni le mérule pleureur, ni un amas de nostocs, ni une trémelloïde quelconque, mais une formation zooléique qui n’a peut-être de nom dans aucune langue botanique. Est-ce un spécimen extravagant de transformation d’un minéral (le pilier) en un végétal élastique? De moins ignorants pourront sans doute déterminer cette bizarre végétation.
La résignation du desservant, en face de cette dartre végétale, nous intéresse et nous reprenons nos voitures en le remerciant. »
in Excursion à Saint Léger aux bois, Tracy le Val, Tracy le Mont, Offemont, Sainte Croix et Berneuil sur Aisne, Procès verbaux de la société historique de Compiègne, N° P21, pp 89-98, 1912